Les enfants qui s’occupent de parents âgés ou malades courent un risque sérieux de dépression s’ils ne sont pas pris en charge par l’aide sociale. Les femmes sont les plus touchées.

La perte d’un parent représente une tragédie et une grande douleur pour tout enfant, mais la souffrance peut être considérablement exacerbée par la nécessité de l’assister sans aide pendant la dernière phase de sa vie. D’un point de vue émotionnel (mais aussi physique), l’expérience peut être tellement stressante, épuisante et traumatisante qu’elle catalyse le risque de trouble dépressif majeur, quelles que soient les conséquences psychologiques d’un deuil aussi lourd. L’impact est particulièrement fort dans les pays où les systèmes de soins de longue durée ou LTC (acronyme de Long Term Care) sont sous-développés et financés, plaçant une grande partie des soins sur les enfants du parent malade. Ce sont surtout les femmes qui sont les plus touchées.
Une équipe de recherche internationale dirigée par des scientifiques de l’Université Ca’ Foscari de Venise a déterminé que prendre soin d’un parent mourant sans le soutien d’un système de protection sociale adéquat peut conduire à la dépression et détériorer la santé mentale, qui a collaboré étroitement avec des collègues de l’Université Paris- Dauphine-PSL à Paris (France) et le Réseau d’études sur les retraites, le vieillissement et la retraite (Pays-Bas). Les chercheurs, coordonnés par le professeur Giacomo Pasini, professeur d’économétrie au département d’économie de l’université vénitienne, sont parvenus à leurs conclusions après avoir analysé les données longitudinales de l’étude Survey of Health, Aging and Retirement in Europe (SHARE), une enquête menée sur le vieillissement et l’état de santé des citoyens européens de plus de cinquante ans.
Le professeur Pasini et ses collègues ont comparé les données relatives au décès du parent (en l’occurrence la mère) et celles relatives à la dépression des enfants, en tenant compte du niveau d’aide sociale de chaque pays européen. En comparant les données, il ressort clairement que la dépression a plus d’impact chez les enfants insuffisamment pris en charge par le système de protection sociale, où, par exemple, il existe peu d’hospices et de maisons de retraite pour personnes âgées. « Les données confirment que les enfants, en particulier les femmes, doivent se consacrer totalement et avec un grand effort mental et physique au parent lorsque le système de protection sociale ne garantit pas une assistance adéquate aux personnes âgées non autonomes », a déclaré le professeur Pasini à l’ANSA. Assister une personne qui n’est plus autonome à domicile demande beaucoup de temps et d’efforts, qui doivent nécessairement être soustraits à autre chose. Bien sûr, puisqu’il s’agit de son parent, cela se fait avec amour et abnégation, mais cela ne veut pas dire que de lourdes conséquences psychologiques et souvent économiques, capables d’éroder la santé mentale, ne puissent pas émerger. Le besoin de traitement augmente surtout dans la période précédant le décès, tandis que les symptômes dépressifs culminent peu après le décès, en particulier chez les femmes.
Les chercheurs soulignent que nous ne sommes pas confrontés à des conséquences liées à des enjeux culturels, mais qu’elles sont profondément liées au bien-être. « Nous voyons que ce n’est pas tant une question culturelle que liée aux politiques de dépenses publiques dans les données. Il y a une correspondance entre l’inconfort, même psychologique, des enfants qui s’occupent de parents malades et le pourcentage du produit intérieur brut consacré à l’aide aux personnes âgées », a ajouté l’expert. En Italie, le PIB alloué à l’aide aux personnes âgées est égal à 0,94 %, un chiffre similaire à la Slovénie et à l’Espagne, tandis que dans d’autres pays, il atteint près de 3 % du PIB (Pays-Bas). Les détails de la recherche « Soins de fin de vie et dépression » ont été publiés dans la revue scientifique spécialisée Applied Economics Letters.