C’est important pour Moscou d’avoir son propre chatbot, même si ChatGPT peut parler plusieurs langues, ce n’est pas la même chose : il faut une IA entraînée à penser comme un Russe.
La Russie prend le terrain et crée son intelligence artificielle. Ça s’appelle GigaChat, c’est déjà le nom, c’est tout un programme. Comme chaque chatbot créé après novembre 2022, il a été surnommé « le rival de ChatGPT ». D’autre part, on sait que le domaine de la technologie est devenu le nouveau front géopolitique pour lutter pour la suprématie et la Russie présente donc le champion de la compétition créée à son image et à sa ressemblance. Il est désormais indispensable pour le pays d’avoir son propre programme d’intelligence artificielle générative, même si ChatGPT sait parler russe ce n’est pas la même chose.
La nouvelle technologie a été publiée par le prêteur russe Sberbank (SBER.MM), et le système est encore en phase de test, il ne peut donc être utilisé que par les utilisateurs qui ont reçu une invitation. En réalité pourtant, le choix du nom donne déjà des indices intéressants, en fait il semble une référence à GigaChad, le mème de l’archétype viril, musclé et méprisant, devenu une icône de la testostérone sur le web. Un surhomme 2.0 qui incarne parfaitement la propagande russe, celui qui colporte des photos de Poutine en train de chasser ou de jouer au judo en exemple d’homme modèle.
Pourquoi la Russie a besoin de son propre chatbot
Sberbank a expliqué que GigaChat est capable de mieux communiquer en russe que les autres chatbots lancés sur le marché. La banque investit depuis un certain temps dans les nouvelles technologies pour réduire la dépendance du pays aux importations. Une décision qui s’est avérée stratégique, notamment après l’attaque russe contre l’Ukraine qui a poussé les nations occidentales à imposer des sanctions punitives et à bloquer les exportations pour gêner Moscou. La Sberbank en est bien consciente, en effet la banque est exclue du système de transactions financières internationales Swift depuis plus d’un an.
En réalité, ChatGPT parle aussi le russe, mais ce n’est pas la même chose, car la langue même pour les chatbots va au-delà de la simple traduction. C’est la synthèse d’une culture, et en fait Sberbank a choisi de créer un modèle d’IA spécifiquement conçu pour répondre aux besoins des entreprises et des utilisateurs du pays, et qui fonctionne sur des serveurs russes. En effet, chaque logiciel est entraîné sur une sélection de textes, textes qui influencent les réponses des chatbots. Il est donc clair que si un programme comme ChatGPT a été construit sur des lectures majoritairement américaines, même lorsqu’il traduit des conversations en russe, le concept qu’il véhicule sera influencé par la culture de référence. C’est pourquoi pour la Russie, mais aussi pour la Chine, bref pour ces pays qui prennent parti contre la culture occidentale, il est nécessaire de créer des chatbots qui parlent leur langue, dans tous les sens.
Le mème GigaChad
Le nom semble rappeler GigaChad (une seule lettre change), le meme qui a réussi à incarner parfaitement le stéréotype du mâle alpha. Elle est devenue une icône avec une masse musculaire et une définition monstrueuses, un visage de granit et des mouvements plastiques. Un titan de la masculinité, baptisé par les utilisateurs GigaChad, ou le tchad parmi les tchads, le plus viril des hommes, à partir d’un fil sur Reddit de 2017.
Le mème GigaChad est construit sur les clichés d’Ernest Khalimov, un bodybuilder et mannequin de sous-vêtements d’origine russe, dont la physionomie a été modifiée par ordinateur avec celle d’autres mannequins dans le cadre d’un projet artistique créé par la photographe Krista Sudmali. Désormais, toute l’imagerie qui tourne autour de GigaChad adhère à l’idée russe du mâle prédominant et viril, une image que Vladimir Poutine lui-même tente d’incarner lorsqu’il s’est immortalisé torse nu avec du poisson fraîchement pêché à la main ou alors qu’il tourne au Ryazan. champ de tir régional. Le machisme est un trait fondamental de la propagande russe, il ne serait donc pas surprenant que GigaChat ne soit rien de plus qu’une extension virtuelle du mâle alpha.
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